Le YI dans les aspects essentiels de la pratique du Taiji                                                 
(cette page est en cours de réécriture)

Au cœur de la pratique se situe la constitution et l’ancrage de nouveaux agencements de Représentations/Perceptions : dans cette page nous nous proposons d’examiner et de revisiter quelques thèmes fondamentaux de la pratique du Taiji à partir des prémices et du langage que nous nous sommes donnés jusqu’à présent. 

L’évolution d’un pratiquant dans le Taiji est classiquement décrite en 3 étapes, 3 niveaux : à chacune des 3 étapes répond un certain travail de l’Intention. En réalité les 3 niveaux sont à articuler au cours de l’apprentissage, sans quoi l’élève passerait à côté de l’essentiel. Cependant sur le plan didactique cette progression reste éclairante et pertinente. Nous nous référons dans cet exposé à une image : le corps comme “voilier”…
 
1) Niveau 1, dit “de la Terre” : c’est le travail des fondations, des placements, des bases de déplacements et de mouvements; l’Intention a pour visée le corps, ses parties, son unité. À ce stade le “voilier-corps” est considéré en lui-même : structure et relations entre parties (coque/mâture et haubans/voiles). Les mouvements (du voilier et de sa voile) sont à ce stade travaillés pour eux-mêmes, comme s’il s’agissait de mouvements autonomes.

2) Niveau 2, dit “de l’Homme : c’est le travail du Qi, de l’Espace et des circulations (d’énergie, de pensée, de mouvements) que l’Intention vise ici. Certains couples dialectiques traditionnels y ont directement trait : couple “Vide/Plein”, couple “Kai/He”… À ce stade les parties du corps et les composantes des mouvements acquièrent une “plénitude” : ce ne sont plus des “segments” agencés en chaînes, le corps est maintenant ressenti et vécu comme “forme pleine”, comme ensemble d’espaces pleins, tridimentionnels, remplis d’énergies, de présence mentale circulantes, et il est animé de mouvements qui sont “de la forme pleine  -plastique-  en permanentes transformations”… Les mouvements du “corps-voilier” deviennent à ce stade indissociablement liées aux éléments “vent” et “vagues” qui le meuvent, le portent, l’environnent, le pénètrent. 

3) Niveau 3, dit “du Ciel” :  nous aborderons le travail de l’Intention à cette phase à partir de la notion de “Centre Vide”. Le niveau du “Ciel” est présenté dans la dixième et dernière des règles traditionnelles lorsqu’on parle “d’immobilité dans la mobilité”… La plénitude vécue et ressentie au stade 2 se creuse au-dedans d’un “vide central” où l’esprit, la présence mentale, observe, de façon neutre et détachée, les circulations et transformations des cercles, cycles et spirales. L’image de l’œil du cyclone est adaptée pour expliciter le principe de ce niveau “Ciel”. Nous aurons l’occasion de repréciser, d’un point de vue pratique, ce que le terme “Ciel” recouvre…  

L’acquisition correcte du niveau 1 conditionne le niveau 2, qui lui-même conditionne l’accès au niveau 3.


Commençons donc par “planter le décor”…

Sur la photo qui suit sont résumés, en fonction de notre sujet “L’Intention”, certains thèmes essentiels qui constituent les fondations sur lesquelles l’élève construira sa pratique : principes de base de la posture, verticalité, ancrage, centrage, écoute et regard, présence attentive (mains, dos, par exemple etc…).





































Le respect de ces règles de base de la posture et des mouvements permettra de développer de façon optimale les 4 principes généraux essentiels de la pratique  du Taiji : 
l’unité et l’harmonie du corps en lui-même et dans ses relations à l’espace. 
la stabilité fluide et souple. 
la continuité dans la transmission/circulation des “énergies-forces” (Jin) et des mouvements. 
une qualité d’éveil et de présence riche et pleine au corps et à l’espace (espace intérieur et extérieur).

[Tous ces thèmes sont interdépendants. Cela signifie : ce qui est relié (Unité) favorise du même coup la stabilité et favorise aussi la libre circulation des énergies-forces, il s’ensuit un état de présence éveillée qui est comme la résultante de tout cela. 
Remarque sur la photo : la stabilité du regard (extérieur et intérieur), l’ouverture grande des oreilles (comme un radar captant de façon égale les signaux/stimuli provenant de l’espace extérieur et intérieur), ancrent déjà le pratiquant, de façon éveillée et stable, dans l’ici-et-maintenant de sa pratique].


Une idée-clé très polyvalente dans la pratique : “Ne pas couper”… 

Cette idée nous l’exprimons ici sous une forme négative mais nous avons vu que, dans les cours de Taiji, les professeurs transmettent  leurs intentions de travail sous forme positive : “unir”, “relier” etc… sont des termes souvent employés… 
Néanmoins cette formulation négative “Ne pas couper” a le mérite d’être un outil pédagogique explicite qui peut être utilisé sous forme d’explications au moment de la présentation des exercices  ou d’exercices exploratoires spécifiques… 

Certains exercices particuliers peuvent utiliser occasionnellement les négations comme outil pédagogique : lorsqu’il s’agit de faire explorer aux élèves les placements et mouvements incorrects (c’est-à-dire en leur faisant faire “ce qu’il ne faut pas faire”) pour leur faire ressentir que certaines “coupures” ou “ruptures” (d’axes, de lignes, d’unité, de continuité)  leur font perdre les sensations d’unité, de stabilité, de continuité… : en retour cela leur fait mieux approcher ces sensations d’unité, de stabilité, de continuité… 

Une “coupure” quelquepart, et ce sera soit comme un trou dans un tuyau, soit comme un obstacle dans ce tuyau : la transmission/circulation fluide des mouvements et des énergies-forces s’en trouve dispersée ou interrompue, soit parce qu’une fuite a lieu à l’endroit d’une “coupure”, soit parce que de l’énergie et de la contrainte s’accumule à l’endroit d’un blocage…

Il nous paraît intéressant de mettre ici cette idée-clé “Ne pas couper” en perspective avec la dialectique traditionnelle Yin/Yang du “Vide et du Plein” (traduction la plus fréquemment retrouvée dans les textes en français de Taiji) qui a pour fonction archétypale d’exprimer la Vie sous forme de circulations. Ces deux notions “Vide” et “Plein” sont corrélatives et inséparables : en “situation physiologique” leurs inter-relations expriment la vision chinoise de l’Espace comme lieux de circulations des Souffles vitaux (Qi), et les conditions générales de circulations entre les lieux de l’Espace… Dans tout l’univers les énergies, les fluides, les informations circulent, idéalement sans entraves, du Plein au Vide; le Vide se remplit ainsi puis se vide à son tour. 
À l’origine cette conception provient évidemment de l’observation  de la mécanique des fluides (cf. Joseph Needham : “La tradition scientifique chinoise” ou Marcel Granet “La pensée chinoise”). Certes, mais dans la pensée chinoise cela s’est développé jusqu’à devenir un véritable paradigme universel qui s’applique même aux Souffles immatériels comme la Pensée, l’Esprit, l’Énergie, qui circulent dans les tissus, les organes et les méridiens.
Ainsi, entre les espaces du corps, mais aussi entre les espaces internes et les espaces externes, des échanges ont lieu sans cesse régis par cet archétype… 

Ces processus naturels et physiologiques de circulations entre Vide et Plénitude peuvent comporter des altérations, des déviations et des perturbations, qui sont au cœur de la médecine chinoise. Ces aspects beaucoup moins “positifs” du Vide et du Plein on peut mieux les rendre en français par des termes comme “carences, faiblesses, manques” (pour l’aspect de “Vide”) ou “trop-pleins, rigidités, encombrements, stagnations” (pour l’aspect de “Plénitude”).

Toutes ces représentations des choses sont très fréquentes dans les textes traditionnels sur le Taiji ou le Qi Gong, et très utiles aux pratiquants de Taiji. Le cadre physiologique du “Vide-Plein” sert, à la base, à exprimer la circulation harmonieuse des mouvements et énergies-forces entre les parties du corps et de l’Espace. Mais des “coupures” dans cette circulation harmonieuse peuvent provenir de “manques”, de “trous ou failles” localisés, “d’encombrements par des tensions”, etc… La pratique du Taiji permet de se donner accès à des espaces du corps habituellement peu ou mal investis, à rempir de présence des endroits deshabités du corps, à ré-ouvrir des accès fermés, à libérer et vider des passages trop-pleins obstrués par des tensions/rigidités, à rétablir de l’harmonie entre des espaces “trop-pleins” (tensions, rigidités) et d’autres “troués, absents” (inconsistances, hypotonies, zones délaissées, abandonnées…).


Le Taiji est tout entier orienté dans le sens de la fructification et de la croissance harmonieuses de nos énergies-forces, de leurs libres circulations/transmissions, de leurs transformations, c’est pourquoi l’idée-clé de “Ne pas couper” y est si cruciale…

Mais une précision doit être ici apportée : on ne peut apprendre à maintenir, contenir et développer nos ressources vitales que si on parvient à dépister et colmater les brèches ou à débusquer et libérer les passages obstrués… Il faut donc, en Taiji, apprendre à connaître nos défauts, nos faiblesses, nos erreurs, nos manques, pour pouvoir avancer, c’est-à-dire pour pouvoir, en fin de compte, nous “compléter”…


L’expression “Ne pas couper” peut s’appliquer à différents aspects du Taiji, elle est très polyvalente: elle peut s’appliquer à la continuité des axes et lignes du corps, à la transmission des mouvements et des lignes d’énergies-forces, à la bonne relation fonctionnelle et spatiale des parties du corps entre elles au cours des mouvements, au maintien d’une bonne qualité d’adhérence de l’Attention et de la Présence portées au corps et aux perceptions, à nos capacités à bien “coller” et à bien “toucher” le partenaire en Tui Shou (cf. nos réflexions sur le Toucher dans les pages précédentes) etc……

  
Notre propos, dans cette page, étant d’expliciter quelques enjeux essentiels de la pratique du point de vue de l’usage de l’Intention, nous y rencontrerons souvent des situations concrètes de “coupures” ou “ruptures” à débusquer, à colmater, à dissoudre… 


L’AXE VERTICAL : la connexion Haut/Bas,  Ciel/Terre… “S’ASSEOIR” et “SE REDRESSER” : une antinomie apparente indispensable à gérer.  L’axe vertical, PIVOT des 4 directions et des spirales…


L’axe vertical est le pivot central, tout se construit autour de lui : l’organisation et l’équilibration globales et harmonieuses du corps, l’ancrage à la Terre et l’élévation vers le Ciel, le centrage axial du corps et des mouvements, les torsions spiralées du corps à chaque étage et globalement, la place prééminente conférée au rachis et au dos dans la pratique du Taiji… 

Dans la prise de conscience et le ressenti de cet axe vertical, l’Attention et l’Intention, les images et les représentations jouent un rôle essentiel. 
Avec l’expérience cet axe devient peu à peu, pour le pratiquant, une véritable “perception/sensation” d’élancement vertical, de “puissance centrale”, de “trait-d’union” Terre/Ciel, et aussi “d’axe-pivot” pour la distribution des mouvements : le pratiquant peu à peu “ressent et vit cet axe vertical”, qui est à la fois ancrage dans le sol, suspension au Ciel, étirement longitudinal doux mais réel entre les deux, et “centre” pour l’équilibration globale, la stabilité, la circulation des énergies-forces (Jin) et des mouvements. 
Un des enjeux importants du Taiji est de se donner cet axe, de l’explorer, de le tester, de le ressentir : tout un travail basé sur la visualisation et l’écoute est nécessaire, en évitant de le remplacer par des contraintes mécaniques basées sur la volonté…

Pour développer la visualisation/perception de cet axe, la conscience corporelle apprend à habiter pleinement les tissus et structures anatomiques qui entrent en jeu dans cette érection verticale : mais il est inutile, et même réducteur, d’en avoir une connaissance anatomique trop précise car il ne faut pas être trop analytique ou faire trop appel au cerveau rationnel… Il faut faire confiance aux images et aux mots utilisés par l’enseignant dans ses indications pour se représenter cet axe et le ressentir, et “travailler” l’écoute à partir d’eux : les intentions véhiculées dans ces images et ces mots permettent au cerveau des élèves de recruter les muscles nécessaires et d’ajuster leur tonus, d’intégrer l’ensemble des ligaments, des os, des articulations et des autres tissus qui participent à cet axe. 

Car “l’AXE VERTICAL” est plus qu’une entité anatomique spécifique : c’est une fonction globale de synthèse qu’on apprend à activer et à ressentir par la pratique, la visualisation et l’écoute. Il peut être contre-productif, de trop chercher à le situer ou le définir précisément au plan anatomique ou physiologique, car dès lors nous serons tentés d’investir dans cette représentation les shémas fonctionnels et biomécaniques que nous connaissons déjà. Or, à cette fonction de synthèse participent toutes sortes de structures et de mécanismes : muscles profonds, jeux de pressions entre cavités corporelles, diaphragmes (au pluriel car il s’agit “des” diaphragmes ostéopathiques : périnée, diaphragme thoracique, ouverture supérieure du tronc, base du crâne…) etc… On peut dire que la posture verticale et sa régulation optimale, énergétiquement économe, engage une grande partie de notre physiologie. En effet nos structures se sont adaptées depuis des centaines de milliers d’années aux conditions de la verticalité, et elles y participent toutes. Il serait illusoire de croire pouvoir agir sur toutes ces structures ou même sur certaines d’entres elles de façon adéquate :  en s’étirant plus ou moins mécaniquement on ne ferait que surinvestir certains grands muscles du cou ou du dos, ceux que nous avons l’habitude de commander… 
Pratiquer le Taiji c’est apprendre à redécouvrir par l’exploration sensible, et s’approprier, ce que la nature a déposé en nous, à même nos structures, comme ressources diffuses pour gérer notre verticalité, afin d’en devenir conscients et d’apprendre à les solliciter en les “évoquant” par des images ou des suggestions : notre cerveau saura, dès lors, activer les bonnes touches… Nous avons juste à nous tenir au plus près de l’évocation imagée et de la réponse perceptible de notre corps à cette évocation…


Ceci étant dit nous allons voir à présent plus précisément ce que recouvre, fonctionnellement, cette verticalité, telle qu’on l’appréhende en Taiji. Rappelons que ce sont les mécanismes et principes généraux qui nous intéressent dans ces pages, et ceci du point de vue du travail de l’Intention que nous mettons en œuvre dans la pratique, et que ce n’est pas ici le lieu de délivrer un cours de Taiji ou de divulguer les étapes et méthodes concrètes de l’enseignement!…


LA VERTICALITÉ en Taiji est donc une FONCTION DE SYNTHÈSE dans laquelle convergent plusieurs aspects fonctionnels et pratiques : c’est ce que nous allons examiner maintenant… 

1)  L’ancrage et la suspension, la Terre et le Ciel, l’auto-aggrandissement : l’Intention, outil essentiel 
      pour cette fonction. 

Dans tous les cours de Taiji, et quelles que soient les approches des diverses Écoles, il sera toujours question “d’ancrage, d’enracinement” (relation à la Terre), et de “suspension en haut” (relation au Ciel). Ce qui est commun et remarquable à toutes les Écoles c’est, qu’en Taiji, on cherche à induire la verticalité à partir d’un prolongement de la pensée en dehors du corps, vers le haut (“au Ciel”) et le bas (“dans la Terre”). 
On se sert donc d’une VISÉE de la pensée visualisante et non pas d’une “volonté d’étirement axial” qui partirait des muscles du dos eux-mêmes. Le but est de court-circuiter l’usage des muscles volontaires, ces grands muscles du corps que nous avons tellement l’habitude d’utiliser en premier, qui nous font nous mouvoir, mais aussi qui nous tassent sur nous-mêmes car ils agissent avec de grands leviers et aboutissent à des contraintes mécaniques fortes. 
L’objectif d’utiliser des VISÉES INTENTIONNELLES en dehors du corps est de nous donner des “appuis/pivots dans l’espace extérieur” pour que notre cerveau recrute dans notre organisation corporelle les chaînes fonctionnelles adéquates de l’auto-aggrandissement dont la régulation du tonus : d’une part n’est pas du domaine de la volonté directe, d’autre part repose sur un ajustement hautement complexe du tonus de muscles appartenant à des ensembles disparates; dans les deux cas la volonté est inappropriée car elle est grossière dans son action, et inapte à prendre en charge un auto-aggrandissement fin et et élastique. 

Toutes les images et méthodes des professeurs visent donc à solliciter dans nos mémoires sensori-motrices le recours à ces mécanismes fins et complexes que sont les résultantes des actions de tous les muscles qui participent à la verticalisation, entre autres les petits muscles qui relient les vertèbres et les empilent les unes sur les autres, et dont l’ajustement tonique subtil est subconscient… 

L’ensemble des chaînes et mécanismes  fonctionnels qui participent à la verticalité sont l’inscription, dans notre organisation corporelle anatomo-physiologique, de deux forces universelles auxquelles, en tant qu’êtres vivants, nous sommes soumis :  force descendante de la gravité, force ascendante de la réaction du sol. 
Qu’ils le sachent ou non, les élèves en Taiji sont donc amenés par leurs professeurs, à faire l’expérience sensible de l’inscription dans leur corps de ces deux forces et des structures qui les prennent en charge, et dont la mise en œuvre la plus fine aboutit d’une part à “la sensation d’auto-aggrandissement”, d’autre part à “la sensation d’enracinement”… Quelles que soient les Écoles et les méthodes, ils seront amenés au plus près d’une perception de la gravité et d’un ancrage, et au plus près d’une perception de la réaction du sol et d’une élévation, au plus près également d’un juste équilibre entre ces deux forces, et ceci jusqu’à pouvoir presque s’oublier eux-mêmes (c’est à dire leur moi propre volontaire) pour s’en remettre à l’action sur eux de ces deux forces universelles sur eux, en écoutant et percevant simplement ce qu’elles produisent comme EFFETS sur leur corps et leurs structures…

Les femmes africaines qui portent une amphore remplie sur la tête ne sont pas écrasées par le poids, mais elles ne sont pas non plus dans l’action volontaire de résister à cette charge : la seule présence de la charge suffit à mobiliser les forces d’auo-aggrandissement du corps qui résistent à l’écrasement, notamment en sollicitant les petits muscles axiaux de l’érection du rachis dont la mise en œuvre répond aux exigences des situations… 
En Taiji, on ne porte pas d’objets sur sa tête mais on peut “faire comme si” on le faisait : c’est le travail de l’Intention… 
D’autres images permettent de percevoir et recevoir sous les pieds et dans le corps la réaction ascendante du sol, c’est-à-dire une poussée ascendante de la Terre : pour cela l’élève peut, par exemple, imaginer/visualiser/ressentir qu’il travaille sur l’eau de façon à pouvoir percevoir la poussée d’Archimède qui le porte et le soulève, ce que notre expérience de vivants nous a tou(te)s amené à ressentir un jour : encore une fois il s’agit d’un travail de l’Intention…

Après un certain temps d’apprentissage et de pratique l’expérience sensible directe de ces deux forces et de leurs effets à même son corps, son dos, son axe, s’inscrit dans la mémoire corporelle de l’élève qui devient capable de l’activer facilement… Cela prend peu à peu la forme en lui d’une réalité physiologique hautement intégrée et perceptible que nous nommons la “verticalité en Taiji”… Lorsque cette intégration non-volontaire est réussie l’élève perçoit cet axe comme un “tuteur” puissant qui, en lui, incarne en profondeur et centralement sa position debout. Il ressent cette connexion entre Terre et Ciel comme un “vecteur” qui le traverserait, et qui serait la résultante en lui de frégulations du tonus qu’il ne faut pas trop chercher à analyser : il vaut mieux apprendre à rester en contact avec les perceptions pour les apprivoiser que de chercher à comprendre ce qui se passe. 


L’axe vertical devient une sorte de “large canal”, que l’élève peut se représenter au centre et en arrière dans le tronc, et où transitent, où s’échangent, où s’équilibrent, toutes les “forces” descendantes et ascendantes quelles qu’elles soient… 
Aux forces naturelles (gravité et réaction du sol) s’ajoutent, en Taiji, les “énergies-forces” (Jin) qui alimentent les mouvements, et qui, elles aussi, ont (entre autres, en plus de leurs composantes d’ouverture/fermeture etc…) des composantes de montée et de descente… 

Par exemple, l’axe vertical, et donc le dos, participe pleinement aux mouvements des bras. Ainsi lorsqu’en Taiji on redescend les bras en pressant vers le bas avec les mains, en y mettant, comme c’est classique, une pression de type “hydraulique ou pneumatique” plus que “mécanique” (qui peut être visualisée et ressentie comme “l’immersion d’un ballon dans l’eau”) : cette “pression” ne doit pas venir de la force des épaules, elle engage l’ensemble du corps…
C’est principalement dans l’axe vertical et dans le dos qu’a lieu un “échange et un équilibre” essentiel qui permet cette poussée des bras et des mains vers le bas… Les lois physiques et les lois d’équilibre entre le Yin et le Yang, ici se rejoignent : si quelquechose descend, quelquechose doit monter. Si les mains pressent vers le bas une réaction ascendante se produit dans l’axe vertical du corps. L’Attention/Intention du pratiquant doit simplement se porter sur ces échanges entre forces ascendantes et descendantes afin d’en écouter le processus, en surprendre les nuances fines : c’est dans la conscience de ces échanges d’énergies-forces de polarités opposées que les mouvements de Taiji doivent être réalisés…
Inversement si les bras se lèvent vers l’avant, de façon encore une fois “hydraulique ou pneumatique”, “comme pour soulever” quelquechose, cette force ascendante ne provient pas non plus des épaules : elle s’échange contre une force descendante équivalente dans l’axe vertical du corps et le dos… Cette force descendante qui emprunte le canal de l’axe central se ressent comme un appui pris au Dan Tian et à la Terre : en aucun cas elle ne doit cependant être l’occasion d’un tassement de l’axe et d’une perte de la suspension de la tête. Au contraire : “l’axe vertical” n’est qu’un “canal” qu’on “garde ouvert et étiré” et qu’emprunte les forces ascendantes/descendantes qui le parcourent… 


C’est maintenant le moment de retrouver notre idée-clé de “Ne pas couper”… Puisque les forces dont nous parlons dépassent le cadre de notre seul corps et de notre seule volonté, puisque le corps possède en lui, dans ses structures, les moyens d’exprimer, de réagir à ces forces, de les équilibrer, une partie du travail que nous faisons en Taiji consiste à “ne pas empêcher” ces forces d’agir en nous, de nous traverser, et à “ne pas nous empêcher” de les ressentir… 
L’expression naturelle de ces forces en nous nécessite donc que “nous ne coupions pas” leur capacités à circuler et s’échanger dans notre corps en éveillant les structures tissulaires adéquates : et c’est pourquoi les professeurs veilleront à ce que leurs élèves “ne coupent pas” la transmission de l’axe au niveau du cou en avançant le menton, “ne coupent pas” la transmission dans le tronc et le dos en tenant trop leur poitrine en avant et en haut, “ne coupent pas” la charnière des hanches en sortant trop les fesses en arrière ou le pubis en avant, ou les hanches sur les côtés, “ne coupent pas” la transmission dans les jambes vers le sol en avançant trop leurs genoux etc… Il s’agit de ne pas perdre la faculté à percevoir l’axe vertical dans toute son effectivité naturelle…


2) S’asseoir et se redresser : une apparente antinomie, essentielle en Taiji…
 
(à suivre)

3) L’axe vertical et les 4 autres directions…

L’axe vertical est notre pivot central, notre “pilier porteur”, le “mât de notre voilier corporel”… Il est l’armature qui structure tout l’espace corporel : on peut dire de lui qu’il est l’expression même du “Tai Ji” si on se souvient que “Taiji” est la “poutre faîtière” qui unit les 2 pans du toit… Notre “poutre faîtière” corporelle est bien cet axe vertical qui unit les deux directions fondamentales Nadir/Zénith et auquel se rapportent les autres structures et espaces du corps, et les 4 autres directions : Avant/Arrière et Droite/Gauche…  

(à suivre)

4) La Verticalité comme “Axe et Pivot central” vis-à-vis des transmissions spiralées des mouvements 
     et énergies-forces. Chaînes musculaires croisées. Notions de centrage axial et d’équilibre…

    (à suivre)



















 








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